Regards féroces, chant maori…, ce 16 septembre, le Haka pratiqué par les All Blacks va une nouvelle fois impressionner leurs adversaires, à savoir les Japonais. Une danse aux vertus fédératrices qui pourrait inspirer les managers. L’éclairage de Serge Betsen, ancien international et capitaine du XV de France et consultant en entreprise.

 » Le haka est une danse traditionnelle des îles du Pacifique Sud -Samoa, Fidji, Tonga, chacune ayant le sien- et qui donne de la force, de l’énergie au groupe afin de démontrer toute sa vigueur lors d’une cérémonie de bienvenue ou avant une confrontation guerrière. Les All Blacks l’ont adopté au XXème siècle dans leurs rencontres sur territoire étranger, puis ils l’ont systématisé avant chaque match depuis 1985 (à l’initiative du capitaine de l’époque Wayne Shelfrod*.

. Un rituel de préparation mentale. Le Haka permet aux joueurs de se concentrer, de se relaxer dans leur tête face à la pression de l’objectif. C’est rite de recueillement qui aide à rassembler son énergie, à gagner en lucidité pour gagner un match.
>>> Avant de décrocher un contrat en entreprise, assurer un rendez-vous capital, chacun sur son lieu de travail peut ainsi se ressourcer, s’abstraire de l’environnement. Ce peut-être par une prière, des habitudes de rangement, etc. Les managers peuvent suggérer des rites collectifs, telle une PME du commerce équitable qui organise dix minutes de silence tous les matins dans les bureaux. D’autres ont des pratiques particulières d’applaudissement pour encourager et congratuler.

. La réunion du corps et de l’esprit. Le Haka permet de prendre conscience de son corps, de se transcender, de se donner à 200%. A un moment sur le terrain le joueur se dit :  » ça y est, je suis prêt ! « . Il est pleinement présent.
>>> En entreprise, on intellectualise trop les choses. On en oublie son corps et ses émotions. A mon sens, un séminaire sportif de cohésion d’équipe de temps en temps ne suffit pas à renouer avec son physique. Certaines sociétés ont leurs salles de sport, notamment les sociétés high-tech dans le secteur des télécoms ou du web et offrent la possibilité à leurs collaborateurs de s’entraîner régulièrement. C’est essentiel.

. Quelque chose de plus grand que soi. Le Haka puise sa force dans ses racines culturelles. Les néo-zélandais le pratiquent depuis la petite enfance, à l’école, à l’université, à l’armée. C’est un élément de l’identité nationale, où la population est hétérogène : certains sont 100% maoris, d’autres le sont à demi ou au trois quarts. Ce chant au XIXème siècle les ralliait tous à une cause plus grande qu’eux, les affirmant contre les colons anglais. Depuis, ce chant est fédérateur pour la nation entière.
>>> Il peut y avoir aussi des causes plus grandes qu’elles-mêmes, et qui motivent les collaborateurs dans les entreprises : des projets humanitaires ou écologiques par exemple.

. Haka contre Haka. A la danse guerrière qui intimide, on peut répondre par son propre Haka qui impressionne l’autre aussi. Lors du quart de finale de la Coupe du monde de rugby en 2007, à Cardiff face aux All Blacks, j’ai proposé une riposte pour ne pas nous laisser faire et nous montrer plus déterminés que l’adversaire. Nous étions tous en bleu-blanc-rouge, défiant le chant des néo-zélandais, jusqu’à un mètre d’eux au milieu du terrain. On a gagné, même si j’ai été KO au bout de 5 minutes. Parce que cette tenue tricolore faisait parler nos tripes, au-delà de nous.
>>> A son propre niveau, un collaborateur a intérêt à faire son Haka : en ne buvant pas d’alcool avant un entretien, en apprenant trois mots de chinois avant de négocier en Asie, etc. Cela fait partie de ce que j’appelle  » l’entraînement invisible « , et c’est aussi puissant que la danse des maoris.  »

Propos recueillis par Marie-Madeleine Sève pour LEntreprise.com, publié le 09/09/2011, mis à jour le15/09/2011

(1) Voir son site : www.sergebetsen.net

*Le Ka Mate des All Blacks. Datant de 1820, il signifie littéralement  » C’est la mort « , mais se veut être un chant de renaissance. A l’origine, les guerriers Maori mangeaient leurs ennemis pour prendre leur  » mana « , leur prestige. Depuis 2005, les All Blacks ont créé un 2ème haka, le Kapa O Pongo, qui signifie  » l’équipe en noir « , beaucoup plus guerrier.