La loi de réforme des retraites de 2010 et ses décrets d’application prévoient une pénalité financière pour les entreprises et les branches concernées qui n’auraient pas négocié un accord ou mis en place un plan d’actions sur la pénibilité et l’usure professionnelle. Décryptage de cette nouvelle mesure avec Ludovic Bugand, chargé de mission au département santé et travail de l’Anact.
Que stipulent les décrets d’application concernant cette pénalité financière ?
Cette pénalité concerne uniquement les entreprises de plus de 50 salariés où au moins la moitié des effectifs est exposée à des facteurs de pénibilité. Le dispositif entrera en vigueur au 1er janvier 2012. Toutes les entreprises qui n’auront pas négocié un accord ou mis en place un plan d’actions à cette date s’exposeront à une pénalité financière qui peut aller jusqu’à 1 % de la masse salariale. En revanche, le décret ne fixe pas d’obligation de résultats. Les entreprises doivent simplement définir des objectifs autour de différents domaines d’action, avec des indicateurs chiffrés.
Au-delà de cette obligation légale, qu’est-ce qui selon vous devrait inciter les entreprises à engager ce type de démarche ?
Dans un contexte d’allongement de la vie professionnelle et de vieillissement de la population, les problématiques d’usure professionnelle vont devenir de plus en plus prégnantes. On voit bien que pour certaines populations, qui ont été confrontées pendant de nombreuses années à des facteurs de risque, travailler jusqu’à l’âge de 62 ans se révèle souvent impossible. Il me semble aussi que les entreprises ne peuvent plus faire l’impasse sur ces questions qui ont un lien direct avec leur performance. Les entreprises auraient tout intérêt à adopter un travail de qualité qui contribue à la bonne santé des salariés tout en étant source de valeur pour l’entreprise. Pour cela, il faut définir des orientations stratégiques porteuses de sens pour les salariés, mais aussi des modes d’organisations et des politiques RH qui permettent aux salariés de développer des compétences et de construire un parcours professionnel valorisant tout au long de leur vie.
Quelle est selon vous la méthode à adopter pour aboutir à la signature d’un accord et d’un plan d’actions sur le sujet ?
Il n’y a pas de méthode idéale, simplement quelques points de vigilance à respecter. La première difficulté réside dans le fait qu’il est très compliqué de s’entendre sur une définition claire et partagée de la pénibilité. L’État en propose une, ainsi qu’un cadre d’actions, mais celui-ci doit être retravaillé au cas par cas dans chaque entreprise. Ensuite, avant de déterminer les actions à engager, il faut faire un état des lieux des facteurs de risque, mais aussi des populations concernées afin de bien identifier les enjeux. Ce travail d’analyse permettra de déterminer les actions à engager afin de réduire les situations de pénibilité, mais aussi de travailler sur les parcours professionnels pour valoriser les compétences des salariés et leur permettre d’accéder à des situations de travail moins pénibles et plus valorisantes.
Ne pensez-vous pas que cette nouvelle mesure, faute d’obligations de résultats, risque de se limiter à de belles déclarations d’intention ?
Il est un peu tôt pour répondre à cette question. Toutefois, on peut effectivement considérer que les restrictions prévues dans les textes feront qu’au final, la mesure ne concernera pas beaucoup d’entreprises, et que donc il ne se passera pas grand-chose. D’un autre côté, vous avez des sociétés qui se mobilisent sur le sujet alors qu’elles n’entrent pas dans le champ des décrets. Par ailleurs, les entreprises ne pourront pas faire l’impasse sur ce sujet clairement porté par les organisations syndicales et souvent mis en lien avec les risques psychosociaux. Tout ceci m’amène à penser que la pénibilité constitue un véritable enjeu de dialogue social, ce qui poussera les entreprises à s’engager.
Propos recueillis par Yves Rivoal
(Focus rh, 08/09/2011)